La crise du coronavirus a agi comme un formidable accélérateur pour l’usage du numérique au quotidien. Si le télétravail a largement été mis en avant, le domaine médical aussi a dû s’adapter avec la téléconsultation. Nous sommes allés à la rencontre du Docteur Nadine Aoustin, médecin généraliste à Dampierre-en-Yvelines.

Depuis combien de temps pratiquez-vous la téléconsultation ?
Depuis fin décembre 2019.
L’adaptation à ces nouveaux outils numériques dans votre métier a-t-elle été simple ou avez-vous rencontré des difficultés ?
Pas vraiment de difficultés, non. Doctolib m’a aidée à tout mettre en place. J’avais au préalable suivi une formation d’une journée avec la SFTG (Société de Formation Thérapeutique du Généraliste), j’en connaissais donc toutes les modalités. La première consultation a tout de même été très impressionnante. J’avais le trac !
Est-ce que la téléconsultation a changé votre manière de mener une consultation, compte tenu de l’absence d’examen clinique ?
Un peu, oui. Je me suis rendu compte que l’examen clinique peut être fait différemment, avec l’aide du patient, ou sinon être différé. Parfois, il n’est pas si utile. Mais il faut savoir demander au patient de se déplacer si on l’estime nécessaire.
Que vous apportent ces nouvelles technologies de communication dans votre quotidien de médecin ?
C’est un vrai plus. Sans pour autant remplacer le présentiel, c’est confortable pour le patient comme pour le médecin. Il y a une plus grande adaptabilité des horaires, le patient peut consulter d’où il veut et quand il veut, le médecin aussi. C’est un gain de temps, pas de déplacement, une attente moins pénible avant la consultation… Pour une fois c’est nous qui entrons dans l’univers du patient (chez lui, au travail, dans sa voiture, dans la rue ou ailleurs), je trouve ça drôle et très intéressant. C’est riche d’enseignements et on revient un peu à la « visite à domicile ». Il est possible de placer des consultations au fur et à mesure de la demande, même tard le soir ou le week-end sans que ce soit envahissant. En cas de nécessité, on peut télétravailler à condition d’avoir le logiciel adéquat. C’est une vraie découverte, c’était inimaginable il y a quelques années.
Les patients ne sont pas tous adeptes de ces nouvelles technologies. Comment perçoivent-ils la téléconsultation ?
Plutôt bien. Eux aussi ils ont le trac la première fois. Puis ils en sont très contents. Pour ceux qui ne sont pas adeptes il y a presque toujours quelqu’un qui les aide. Et par la suite, ils y reviennent. Lorsqu’il y a des problèmes techniques (connexion limitée, etc), on finit toujours par trouver une solution. Il ne m’est quasiment jamais arrivé de ne pas pouvoir réaliser une téléconsultation. Pendant la période Covid-19, nous pouvions aussi téléphoner à nos patients – mais c’est beaucoup moins pratique.
Selon vous, la situation actuelle avec ses mesures de distanciation sociale a-t-elle favorisé la téléconsultation ? Y voyez-vous juste un effet “confinement” ou son utilisation peut-elle s’inscrire dans la durée, devenir un “outil” courant dans votre métier ?
C’est effectivement le premier confinement qui a boosté la téléconsultation. Auparavant, je réalisais 4 téléconsultations par semaine. Mais les patients y ont trouvé de multiples intérêts et nombreux sont ceux qui poursuivent lorsque l’examen clinique n’est pas nécessaire. Chaque jour, j’y vois de nouvelles utilisations : pour les patients qui sont en déplacement, ceux qui déménagent, d’anciens patients qui me recontactent. Il y a aussi ceux qui se sont complètement confinés pour des raisons diverses. Ce sera très pratique lorsque les conditions climatiques seront mauvaises (neige, …). Alors oui, je pense que l’utilisation de la téléconsultation va s’inscrire dans la durée et même s’accroître.
Dans une zone peu dense comme le Sud-Yvelines (où on parle de “ruralité”), avec la diminution du nombre de praticiens, la télémédecine peut-elle être une partie de la solution au problème de “désert médical” ?
C’est une partie de la solution, mais ça reste très insuffisant pour résoudre le problème, en particulier pour les personnes âgées et pour les visites à domicile. Du matériel médical connecté (valises) pourrait améliorer la situation. Les infirmières seraient d’une grande aide. La téléexpertise, que je n’utilise pas encore, faciliterait la coordination des soins et permettrait une optimisation des moyens. Mais rien ne remplace l’humain, et la venue de jeunes médecins sur le territoire serait un plus.
Article à paraître dans TÉLÉGRAPHE78 MAG • N°1 FÉVRIER/MARS/AVRIL 2021
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